-21%
Le deal à ne pas rater :
LEGO® Icons 10329 Les Plantes Miniatures, Collection Botanique
39.59 € 49.99 €
Voir le deal

Aller en bas
Feyre Ombrastre
Feyre Ombrastre
Messages : 40
Date d'inscription : 07/08/2020
Age : 33

Arun, de chants et d'espoirs Empty Arun, de chants et d'espoirs

Mer 10 Nov - 12:24

Chapitre 1 - Orneval





Plus de sept millénaires avant l'ouverture de la porte des Ténèbres.



Tout brûlait. De la cime des arbres de la forêt d'Orneval aux herbes épaisses qui en jalonnent le sol, des pavés en pierre des sentiers aux habitations Kaldorei construites à même les troncs. Même les lacs et les étangs brûlaient, recouverts de ces flammes qui oscillaient entre la couleur verdâtre du fel et le violet de l'arcane. La lune était à son zénith, mais on ne la voyait plus, le feu tout sauf naturel illuminant tel un brasier le ciel, si bien qu'on puisse croire être en plein jour.


Arun Chantespoir se tenait, tétanisée, devant le seuil de la maison familiale. En pierre, celle-ci, comme l'étaient certaines bâtisses des familles Bien nées. Elle devinait l'étendue de la tempête magique sans réellement se rendre compte de son ampleur. Elle savait juste que la forêt entière brûlait. Sa forêt. Et elle allait mourir ici, suite à la bêtise des siens. De ses parents, de sa propre famille, de tous les suivants de Dath'Remar, celui qui deviendrait le Roi banni, embrasant le soleil et son puit magique avec concupiscence. Les larmes se mirent à couler sur les joues de la jeune Kaldorei, davantage liées au chagrin qu'a la chaleur du feu destructeur. Et elle n'eut le temps, dans un dernier réflexe propre aux manieurs d'arcanes, que de créer un bouclier de givre tout autour d'elle, avant d'être totalement engloutie par les flammes. Tout brûlait, elle avec. C'était la fin.

***

C'était la fin, et elle était indéniablement logique. Arun allait sur ses deux cent années. Deux siècles passés à grandir dans une ambivalence sans faille. Entre l'amour pour la forêt qui l'avait vu naître,  bercé par les bruissements des arbres majestueux, les battements de cœur de ses habitants, bipèdes ou non, et cette tradition druidique qui raisonne en chacun comme un appel à la paix intérieure. Et autre chose, inné chez elle, cultivé avec soin par sa famille, une appétence pour les arcanes portée en étendard depuis des millénaires. Azshara avait beau être tombée, ses parents continuaient à pratiquer ce qu'ils estimaient être un don, un talent hors du commun des immortels, une compétence unique que nul ne pouvait égaler. Surtout pas les druides. Ils avaient fait, comme beaucoup d'autre et Dath'Remar lui même, quelque peu le dos rond dans la très longue période de paix qui avait suivi la destruction du Puit, d'autant plus que leur rôle lors de l'invasion de la Légion Ardente était quelque peu ambigu. C'était quelque chose dont on ne parlait jamais, dans la famille d'Arun, comme si la guerre des Anciens n'avait simplement jamais existée. Ces dernières décennies, cependant, les Bien nés avaient repris du poil de la bête. Le mécontentement grondait face à ce qu'ils considéraient comme des indignes préjugés de la part de la société Kaldorei. Oui, Azshara avait fauté. Mais les Bien nés survivants ne pouvaient porter éternellement les maux de l'ancienne guerre. Ils étaient arcanistes, c'est ce qui constituait leurs êtres et leurs âmes. Et ceux qui se proclamaient être leurs frères les empêchaient, en permanence, de pratiquer leur art.

C'est dans ce climat et cette ambivalence qu'Arun fut éduquée. Ses parents, Eleryndel Runétincelle et Adgarion Sourcemana, prenaient soin de son éducation. Plongée dans les arcanes dès la naissance, elle traduisait un don certain pour la magie arcanique, avec une appétence particulière pour la divination. "Vous lisez les étoiles" affirmait bien souvent sa mère avec fierté. Ce qu'elle ignorait, alors, c'est que si la Kaldorei lisait en effet les astres, c'est à la Lune qu'elle gardait ses murmures au cœur de la nuit, présence réconfortante et immuable. Elle avait tenté, évidemment, de faire ses preuves parmi les siens, suivant la voie toute tracée par son frère aîné. Et pourtant, elle était née avec une tare flagrante : celle d'avoir des cheveux de la couleur d'une nuit sans lune, alors que tous ses proches présentaient la crinière blanche caractéristique d'une ascendance bien née. Ils en riaient, parfois, lui rappelant que son seul ancêtre à partager avec elle une chevelure de nuit était un grand oncle oublié, qui avait fait vœu de druidisme, alors même que la voie n'en était qu'à ses balbutiements, bien avant la guerre des Anciens. Ainsi redoublait-elle d'efforts, dans la pratique des arcanes. Apprenant assidument, et passant le reste de son temps libre seule, à chanter aux étoiles et à discuter avec la forêt, prenant cependant bien soin à garder ses affects qui auraient été mal-vus dans le plus grand secret.

Et puis, ces derniers temps, les tensions s'étaient amplifiées. Les arcanistes ne se cachaient plus, ils se revendiquaient même. Ils moquaient l'autarcie, l'oisiveté des druides. Zin'Azshari était du temps du passé, et les arcanes pouvaient, une fois l'expiation de leurs pêchés communs, retrouver la place centrale qu'elle méritait au sein de la société Kaldorei.

C'est Hurlorage qui avait mis un terme à cette mascarade, en estimant que la pratique magique devait prendre fin, sous peine de mort. Et la réponse des Bien nés, guidés par Dath'Remar, ne se fit pas attendre. La tempête magique qui déferlait en Orneval avait pour but de rappeler la puissance d'un peuple qui refusait d'être déchu. Mais en l'instant, elle n'était que le miroir de leur folie destructrice. Peu survivraient, songeait Arun, enfermée dans son cercle de glace. Et si par miracle certains voyaient le prochain crépuscule, le monde tel qu'elle le connaissait touchait inexorablement à sa fin.


***

Ce sont des druides, qui sauvèrent Arun de la mort. En voyant la tempête s'abattre sur la forêt, ils en appelèrent à elle pour se guérir d'elle même. Le feu arcanique hurla, la forêt répondit par un chant. Il viola, et la forêt s'offrit, si bien qu'il finit par s'éteindre, se consumant de lui même. La jeune Kaldorei ne pris même pas la peine de remercier son groupe de sauveurs. Trop sonnée, trop craintive de ce qui allait suivre. Trop honteuse. Elle chercha ses parents, dans les cendres brûlantes, et les trouva indemnes, en compagnie de son frère et des suivants du futur roi des Quel'doreis. Fiers. Campés sur leur position. Ancrés dans leur folie. Persuadés de leur bon droit. L'ultimatum était là, le divorce consommé, et ils se devaient, désormais, de partir. Inconscients de ce qu'ils avaient commis, peu soucieux des cendres et des animaux morts sur le passage du feu magique. Ses parents l'attendaient.

Arun Chantespoir, qui ne portait pas encore ce nom, se retrouva alors dans un de ces moments clés qui forgent une vie. A la croisée des chemins. Le monde connu, rassurant, celui de ses parents, du cocon familial, et la promesse de ne jamais sentir le manque des arcanes. Elle était déjà terriblement dépendante, elle le savait. Mais pour la première fois, elle entrevoyait une autre voie, plus tortueuse, jonchée d'embûches terribles, du manque, du sevrage. Une voie inconnue dont elle ignorait d'où elle la mènerait. Sur laquelle elle devrait, une fois encore, faire ses preuves. Et dans laquelle elle ne partait pas gagnante. Ce qu'elle savait simplement, c'est qu'elle serait une paria, que ce soit parmi les siens, la fille qui murmurait à la lune, à la crinière ébène, ou parmi les Kaldoreis, fille de Bien nés et arcaniste repentie. Aucune voie était, sur le moment, réellement enviable.

Elle suivit sa famille jusqu'à Sombrivage,sous la bonne garde des prêtresses et des druides. Avisa des navires qui devaient franchir l'océan et le Maelstrom pour un nouveau départ. Traversant la forêt détruite,  dont la vie reprenait déjà ses droits, usant du terreau infiniment fertile que sont les cendres. Deux nuits de marche, un baluchon sur le dos. Deux nuits pour choisir sa destinée.

Ce n'est qu'en arrivant sur le quai de Lor'danel que sa décision fut prise. La lune brillait, haute et paisible, illuminant le ciel, comme si Elune lui avait déjà pardonné les tords de son ascendance. Une invitation, à parcourir cette voie. Un espoir fou, une audace réelle. Elle ne monta pas à bord du navire.

Si ses parents furent surpris, ils ne le montrèrent pas. Pudiques, toujours, même dans la déception. Nul mot ne fut échangé, nulle tentative de la raisonner. Elle savait qu'elle ne les reverrait jamais. Et si la douleur de la perte se mêlait à celle, insidieuse et déjà grondante, du manque de mana, si les regards du peuple Kaldorei, sévères, scrutateurs et parfois mauvais, pesaient déjà sur ses épaules, Arun observait la Lune, attendant quelques murmures réconfortants.

***
Revenir en haut
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum