Jeunesse lointaine

Tout droit sorti d'un conte de fée, un paysage magique et sensationnel, là où les arbres arborent les teintes albâtres d'une neige immaculée, tantôt baignée par les lumières crépusculaires que les faisceaux lactés de la Mère Elune. Un hiver éternel qui à jamais demeure. D'antiques ruines biens-nées se découvrent parfois à l'aune des immenses forêts hivernales, s'élevant sur des mètres et des mètres de hauteur, le plus souvent vertigineuse. La magie, aussi, persiste en ces lieux givrés, délicieuse à qui s'avère sensible. Des lieux truffés d'histoires millénaires, mystérieuses, qui abritent maintes et maintes parcelles, autant aux enfants des étoiles qu'aux fascinants biens-nés.  Les plus chanceux réussissent à voir d'immenses drakes et dragons du vol bleu, friands d'arcane, s'enrouler autour de ces beffrois elfiques et guettant l'horizon ; sondant le lointain, mué par un instinct les poussant à chasser et rester sur leurs garde, vaille que vaille. Pourtant, elles ne sont pas les seules créatures à peupler ce lieu bercé par des éons d'existence. Dents-de-sabre, ours, parfois chimères, aussi les chouettes et autres créatures aviaires ou cervidés, lorsque ce ne sont pas des anciens, des tréants voire parfois des furbolgs répartis en tribus qui peuplent ce petit paradis.

Au coeur de cet endroit magique s'élève un grand village de nature elfique : Pluie d'Etoiles. D'innombrables bâtisses elfiques épousent cette fresque enneigée, occupant parfois des arbres lorsque leurs structures ne s'enracinent pas dans la terre. La griffe faite enfant des étoiles présente un bois travaillé et raffiné, durable, d'une qualité inestimable et provenant, assurément, des bois d'ici et d'ailleurs.


Effervescence. Un grondement claque, une porte s'ouvre, et à la table un petit kaldorei d'un joli mètre dîne ce qui pourrait s'apparenter à du kimchi et du poisson frais, cuit. L'enfant arbore déjà une longue crinière ébène, un teint de peau clair, bleuté, et sans doute propre à ceux habitant le grand nord. Mine malicieuse, lèvres ourlées en un sourire taquin, le détail frappant ou qui suscite davantage d'intérêt est son regard. Ambré, comme celui d'un prédateur et disposant d'une lueur propre au mysticisme de la race. A vue de nez, ce petit "prédateur", doit avoir tout juste une décennie. La vie déborde de ses gestes, sourires et regards et il consomme la vie à pleine dents et c'est peu dire, parfaitement retranscrit par la manière dont il se bâfre.

L'intérieur de la bâtisse dispose, en tout et pour tout, de toutes les marques possibles de leur peuple. Ici et là des capturêves pendent du plafond, agrémentés parfois de charmes et autres pochettes contenant quelques feuilles aromatiques. Cet ensemble, tiré principalement de leurs croyances, ne s'arrête pas là. Au sol les peaux animales se superposent de ci ; de là et les murs, eux, contiennent non seulement quelques symboles issus du druidisme et d'Elune, mais des armes, allant de l'épée au glaive, de l'arc à l'arme d'hast, alliant coutume druidique et guerrière.

Opposé au petit garçon un immense druide s'élevant sur bien plus de deux mètres vingt de hauteur, marqué par l'expérience ; les âges mais aussi la sagesse parait au pied du séjour, à quelques maigres espaces de la table. A l'instar du garçon, qui est sa progéniture, une crinière corbeau et une barbe longue, drue, où apparaissent quelques tresses. Couvert de peaux animale, travaillée à partir du dent-de-sabre au premier regard, si sa peau est laissée découvert à certains endroits : elle atteste, sans le moindre doute, qu'il est coutumier pour lui d'encaisser chaque blessure. La robustesse est portée, fièrement, de même que la force, tendant à manifester qu'il est un Gardien de l'équilibre. Cet elfe, connu sous le nom de Delar'Nil, transperce l'enfant attablé du regard. Sans compter qu'il n'a pas la patience de couver plus que de raison les propos qu'il a à dire :

"Eh bien, Galadarn. Figure-toi que je reviens du refuge des saisons. Quelle ne fut pas ma surprise lorsqu'en entrant dans ce lieu je vis les druides avachis, rêveurs, surtout délirant. "Délirant". accentue le druide au nom de Delar'Nil
L'enfant, lui, sourit à pleine dents au visage de son paternel. Pour le moment, il fait le fier.

"Ca vaaaa Papaaaa. Je voulais juste faire une blague moi ! Pis, j'ai montré que je savais à quoi servait les plantes ! Comme tu m'as appris ! J'ai éch-..."

"Galadarn." coupa le druide de nouveau. "Me prends-tu pour un imbécile ? Je t'apprends à différencier les plantes, à les connaître. Je t'apprends à connaître la nature et c'est ainsi que tu t'en sers, à des buts récréatifs ? En plus de plonger le refuge des saisons dans un état catatonique ? Que ferions-nous, là, maintenant, si nous nous faisions attaquer par un drake du vol bleu mal luné, hmrh ? Pour exemple. Je doute qu'Ursoc, ni Ursol, seraient ravis de voir de quelle façon tu te sers des enseignements." Apparaissant calme, la rudesse suinte de ses moindres mots, tranchant. Il fixe sa progéniture, agacé, sans pour autant élever la voix à l'heure actuelle.

"Bah..." Une grimace se forme, penaud, mais c'était sans compter cet éclat de jeunesse et cette étincelle de vie qui accompagnaient constamment Galadarn. "Bah moi je pense qu'Ursoc et Ursol ont bien rigolé Papa ! J'ai pas fait de mal, je voulais juste rigoler, pis.. Pis.. Pis toi même tu me dis que les vénérables ont à apprendre des jeunes !"

"Galadarn, te rends-tu compte seulement de ce que tu viens de faire, bon sang ?!" La voix tonne, cette fois-ci, et elle suffit à créer, chez l'enfant, un visage qui s'affaisse et dont les larmes ne seraient, sans doute, pas bien loin. "Il est normal que tu souhaites t'amuser, pas de cette façon pour autant ! Tu as eu de la chance, il semblerait que la feuillerêve était en moindre quantité, donc, les quelques druides en ayant consommé devraient sortir de leur état second incessamment sous peu. Par contre, ne t'avise plus à faire tes blagues de mauvais goût au Refuge, ni auprès du guet des sentinelles. Suis-je bien clair, Galadarn ?"

Le petit ne débite plus rien, la tête baissée et les sourcils froncés, contenant quelques larmes. Ne sachant plus où se mettre, et déglutissant, il opine seulement du chef avec réserve, ne souhaitant pas s'attirer, outre-mesure, les foudres du Père. Encore heureux, sa mère ne semble pas dans les environs et doit probablement être de sortie avec Theranor. Encore un truc de "fille", devait-il penser... par jalousie. Armé de sa petite fourchette, faite de bois, il remue son bol de kimchi de ce geste indolent, songeur, contrarié et attristé. Delar'Nil, lui, en le voyant dans un tel état s'approche de quelques pas et s'abaisse à hauteur de chaise, genoux ployés, le fixant. Sans rien ajouter de plus, il dépose une statuette à l'effigie d'Ursoc sur la table, travaillée dans le bois, l'agrémentant d'un sourire.

"Prends-le. Bien que je doute qu'Ursoc ait rigolé à ta plaisanterie, Galadarn -ou secrètement... - il saura te protéger. Nous poursuivrons ton apprentissage, celui de ta soeur aussi, quatre heures de la nuit passée. Avant que tu ne puisses endosser la peau de l'Ours, ou en ce qui te concerne d'un ourson, il te reste encore du chemin à faire. Cela n'empêche pas, cependant, que tu n'es pas moins l'un de ses suivants et de ses protégés. Un jour viendra le temps ou toi aussi, Galadarn, tu devras endosser le rôle de Gardien. L'égide de l'Equilibre et des kaldorei." Fixant alors son enfant, il reprend d'un timbre de voix plus calme, et doux. "Va t'amuser. La nuit commence à peine et je ne compte pas te priver de sortie. Pas maintenant, du moins. Tu présenteras tes excuses auprès des druides, plus tard. Je compte sur toi."

L'enfant esquisse, enfin, un sourire et acquièsce. Attrapant la figurine de sa main, et la serrant contre lui, il la glisse dans sa sacoche, à côté de feuilles à mâcher, un capturêve, même un poignard travaillé à partir d'ossement et de pierre.
"Oui papa. Je.. Je rentre pas tard ! ... J'aimerai bien que nous allions regarder les dragons un jour. Ils sont..." Galadarn mime la taille, du moins essaie, avec ses mains en les espaçant au maximum, des étoiles plein les yeux.

"Pourquoi pas." répond Delar'Nil, amusé par la demande. Il secoue la chevelure de son fils. "En fin de semaine si tu es sage. Ce n'est pas la tanière d'à côté alors il faudra marcher un bon bout de temps. J'en parlerai à ta mère et prendrai Theranor avec nous ... D'ici là, va. Avant que je n'ai soudainement besoin de ta présence pour confectionner quelques cataplasmes."

"Je serai sage papa !"

Véritable petite boule d'énergie et sans demander son reste, il offre un bisou sur la joue de son père et se dérobe aussi vite qu'un cerf que l'on pourchasserait. Une fois dehors, malice revenue : il s'enfonça dans le village à toute jambe, courant inlassablement sans même paraitre s'épuiser. Le jeune Galadarn, qui pourtant jouissait de la vélocité d'Ashamane, présentait une tenue faite de peau et de cuir à sa taille, où l'on apercevait, principalement, les marques des druides de la griffe et plus particulièrement des suivants des Dieux Jumeaux. Gagnant en glissant sur la neige l'étage inférieur de Pluie d'Etoiles : il prépara, au passage, une boule de neige et l'envoya en pleine figure au visage d'un autre enfant, de son âge. L'on entendit qu'une onomatopée, sonore, suivit d'un : "Arrête Galadarn !! ... Et.. Oh ! J'ai entendu ce que t'as fait au refuge..."